Environnement : La mer comme les
autres grands éléments qui constituent la Terre, renferme encore
beaucoup d’énigmes même si quelques connaissances nous permettent
plus ou moins de la comprendre.
Bon, c’est plein d’eau, il y a du
sel, des poissons, des vagues, du courant plus des choses qu’on ne
voit pas et d’autres franchement cachées. Parfois elle n'est plus
là et après elle revient… Des histoires à faire pâlir tout le
monde rodent sur son dôme. Et oui ! Elle est ronde ! Constamment en
mouvement, du fait de la pression atmosphérique, de la rotation de
la Terre, de l’attraction conjuguée des astres, de la température
ou des différences de température, de la profondeur de l’eau,
voire des mouvements de plaques tectoniques.
Sont distinguées les mers larges et
ouvertes qui sont peu influencées par la géographie et les mers
fermées qui subissent facilement les conséquences de facteurs
locaux.
Lecture de certains mouvements
d'eau, un océan et sa marée :
Assis au bord d’ une pataugeoire
barbotez avec les pieds dans l'eau,(réservé à ceux qui savent
nager, nostalgique n’est-ce pas ?), ou en étant debout sautez dans
l'eau avec l’intention de faire un gros plouf. Chaque fois que vous
écrasez l'eau, il y a des vagues qui naissent autour de votre appui
et ces vagues se propagent en cercles vers l'extérieur. Si on
regarde bien on voit au départ que les vagues, sont proches et
courtes, et qu’au fur et à mesure qu’elles s’éloignent de
leur source, elles deviennent plus amples puis éclaboussent le bord.
Et voilà, vous avez reproduit la propagation de l’onde de marée.
Ce que l’on voit moins, c’est que quand les vagues arrivent vers
le bord elles ralentissent et deviennent encore plus creuses. Sans
compter qu’à l’échelle d’un océan il se passe des choses
liées au relief des fonds, aux courants et à la rotation de la
terre, à la pression atmosphérique
…
Présentation vulgarisée du
phénomène de marée:
Le niveau de l’océan varie sous
l’effet des forces d’interactions gravitationnelles Terre, Lune,
Soleil. Depuis Isaac Newton, nous savons que chaque molécule d’eau
est attirée par les trois, proportionnellement à la masse de chaque
astre et de façon inversement proportionnelle au carré de sa
distance. Concrètement, cela forme des bosses et des creux à la
surface des océans qui sont les points de départ d’ondes de
propagation, les marées, aussi nommées ondes longues de gravité.
Très sommairement, les marées seront fortes quand les trois astres
sont alignés (syzygie, vives eaux) et plus faibles quant la lune et
le soleil forment un angle droit par rapport à la terre (quadrature,
mortes eaux). Mais du fait du mouvement des astres, la marée
observée à un endroit donné est le résultat de multiples
composantes appelées harmoniques, il existe même des points de
l’océan, dits «amphidromiques», où la marée est quasi nulle.
On appelle marnage la différence de
hauteur entre le sommet et le creux de l’onde.
En un mot, si vous envisagez de
naviguer à Tahiti (quelques cm de marnage), vous pouvez sauter ce
chapitre, si vous préférez la baie du mont Saint Michel, il faudra
être plus attentif (marnage : 14 m).
Quand la mer est basse sur les côtes
bretonnes, elle l’est aussi sur les cotes d’en face. Néanmoins,
par rapport aux 14m du Mont saint Michel , aux Caraïbes on n’aura
qu’ 1 mètre de marnage.
Mieux, en Bretagne on relève deux
marées par jour, une seule en extrême Orient et une périodicité
mixte en mer d’Arabie selon que les composantes principales sont
lunaire, solaire ou mixte.
L’eau en plein océan se soulève
sans se déplacer horizontalement, ce qui influence donc peu la
navigation, en revanche, en arrivant sur la côte l’onde se trouve
tassée par les fonds qui remontent et irrégulièrement freinée par
la présence de reliefs, alors elle devient plus haute et ralentit.
La plus grande hauteur d’eau sur la
rivage à marée haute matérialise le sommet de l’onde, le creux
est représenté par la marée basse.
Le niveau moyen en un lieu donné est à
peu près constant, quelle que soit l’amplitude de la marée.
Remarques :
L’analyse des marées va tenir compte
de plus de 25 paramètres. Auxquels vont s’ajouter, entre autres,
des facteurs géographiques qui vont augmenter ou ralentir sa
progression. Elle devient alors particulièrement compliquée à
comprendre et à résoudre.
Le rythme des marées en Atlantique est
fortement lunaire, en associant un annuaire des marées avec un
annuaire lunaire, il est facile d’observer que la Lune est proche
de la terre environ trois jours avant la grande marée. Par
conséquent, on peut considérer qu’il faut environ trois jours
pour que l’influence de la Lune se répercute sur nos côtes, et
donc l’onde de marée arrive sur la France environ trois jours
après sa naissance.
L’annuaire lunaire est présent sur
la plupart des calendriers mais l’annuaire du jardinier est
vraiment représentatif.
Si cette vision globale n’est pas
bien utile pour faire son petit tour de kayak, cela permet au moins
de comprendre que l’efficacité d’un modèle est très dépendante
du lieu où l’on se trouve... Plus on en sait, moins on en sait !
Application au kayak :
Heureusement, nous n’avons pas à
calculer les marées, les annuaires de marées regroupent pour des
ports de références toutes les valeurs de hauteur d’eau aux
différentes heures, obtenues par calculs et observations de
marégraphie, présentées sous forme de tableaux et d’abaques.
Nous aurons juste à appliquer des corrections pour le lieu précis
où nous naviguons.
Le tirant d’eau quasi nul d’un
kayak rend l’utilisation des ces outils assez simple.
La hauteur d’eau est un nombre
décimal positif exprimé en mètres au dessus du zéro
hydrographique.
Le zéro hydrographique correspond au
niveau d’eau de plus basse mer rencontré en un lieu donné, aux
variations météorologiques près (surtout liées au vent).
Sur une carte,le niveau zéro apparaît
donc comme une ligne dite « isobathe » longeant la côte
à une distance variable.
Du côté mer de cette ligne (en bleu
sur les cartes SHOM) on est sûr de pouvoir naviguer en kayak quelle
que soit la date. Un changement de couleur net rend cette ligne bien
visible. Si par exemple vous trouvez sur la carte une cale qui mène
jusqu’à la ligne du 0, inutile de vous creuser la tête, elle est
tout le temps en eau.
Du côté terre, c’est l’estran, la
partie du sol qui est périodiquement couverte ou découverte.
Colorée en vert sur les cartes SHOM, elle est renseignée de nombres
soulignés donnant la hauteur du sol au dessus du zéro. Cette
information peut vous permettre de calculer l’heure à laquelle
vous pourrez y accéder en fonction du marnage à cet endroit. (voir
la règle des douzièmes plus loin). Dans la pratique, regardez
plutôt où sont les mouillages des petits bateaux dépourvus
d’annexe, ce sont les endroits qui découvrent le moins.
Pratique aussi, surtout pour planter sa
tente, la ligne dite de côte correspondant à la limite de l’eau
lors de la plus haute marée enregistrée au lieu dit. (On passe du
vert au brun sur les cartes SHOM)
Attention :
Le 0 hydrographique mathématiquement
le plus logique aurait été le niveau à mi-marée qui est
indépendant du coefficient de marée, mais cette référence
entraînerait des calculs dans de nombreux cas. Il n’est jamais
exclu de tomber sur une carte de ce type, notamment dans les
musées...
Probablement sur les mêmes cartes, il
est possible de rencontrer des hauteurs d’eau indiquées en Fathoms
(Abréviation Fm, traduit par Brasses en français) qui font 1,8288 m
soit six pieds, soit à peu près l’écartement des deux bras
permettant de relever rapidement une profondeur à l’aide d’une
corde lestée. Sympa en kayak...
Exemple: Un jour à St Nazaire
on observe un coefficient de 91 et une hauteur de 5,8 mètres à 3h
49. Alors qu’à Brest, soit à 300 Km, avec un coefficient
identique, la marée atteignait une hauteur de 6,9 mètres à 3 h 59.
A Paimpol à environ 150 Km de Brest où le coefficient est aussi de
91, elle était haute de 10,6 mètres à 5 h 56.
Dans ces trois ports le coefficient de
marée était de 91. Pour résumer voici les observations que l’on
a pu faire le même jour :
Ville
|
Distance
de Brest
|
Hauteur
de la pleine mer
|
Heure
de la pleine mer
|
Brest
|
0
|
6,9m
|
3h59
|
St
Nazaire
|
300km
|
5,8m
|
3h49
|
Paimpol
|
150km
|
10,6m
|
5h56
|
On constate que pour le même
coefficient, l’heure et la hauteur de la pleine mer sont
différentes... « Bravo ! »
Présentation des coefficients de
marée, les fameux coef ! :
Les coefficients
de marée sont calculés pour le port de Brest et considérés comme
identiques sur les côtes atlantiques et de la Manche car l'onde de
marée est faiblement perturbée.
Le coef 100 a
été pris pour représenter la valeur moyenne du marnage pour les
marées de vive-eau d'équinoxe, soit 6,1m à Brest
Les coefficients
dits de « vives eaux » vont de 70 à 120 (V.E. sur
certaines annuaires).
La mer monte alors beaucoup et descend
beaucoup aussi.
La moyenne, 95 est dite marée de vives-eaux
moyennes.
Les coefficients
dits de « mortes eaux » vont de 20 à 70 (M.E. sur ces
mêmes annuaires).
La mer monte et descend moins.
La moyenne,
45 est dite marée de mortes-eaux moyennes.
Ce vocabulaire date de l’époque où
peu de marins savaient compter, mais est encore très utilisé
maintenant.
Exemple : Cela signifie
qu'à Boulogne par exemple, pour un coef’ de 33, la marée basse
atteindra une hauteur de 2,5 mètres et la marée haute 6,8 mètres
alors que pour un coef’ de 110 elle baissera jusqu'à 0,9 mètre et
montera à 9,3 mètres.
La règle des douzièmes :
Si la mer monte et descend, elle ne le
fait pas de façon régulière. C'est un peu comme certains qui
commencent leur journée. Ils démarrent doucement puis quand ils
sont disposés, chauds, ils en mettent un bon coup. Puis avant la fin
de la journée, ils ralentissent histoire de ne pas en faire de trop
ou de dire qu’ils en ont fait assez avant. Pour descendre, la mer
refait aussi la même chose, selon un cycle pseudo sinusoïdal.
(NDLR : J’ignorai totalement que j’étais pseudo
sinusoïdal.)
Voici deux explications imagées de
cette particularité :
La marée se lance en première donc
elle ne va pas très vite puis passe en seconde et prend de la
vitesse pour passer la troisième à mi-marée. Pour conserver le
contrôle elle lève ensuite le pied pour ajuster et atteindre
l'étale suivante à l'heure précise.
C’est aussi comparable à une
glissade sur des montagnes russe, ça va vite en descendant et l’élan
atteint s’essouffle en arrivant aux sommet de la montée suivante
Et un peu de vécu :
-« Il faut environ 12 heures pour
un cycle complet, soit environ 6h de montante et 6h de descendante.
Comme il n’y a pas de congé pour la mer c’est tous les jours
pareil ! »
-« Oui mais à grosse marée, il
y a beaucoup d’eau à bouger alors que à petite coef c’est le
contraire, comment fait-elle? »
-« En fait, par petit
coefficient ou par mortes-eaux, 12 heures sont de trop pour déplacer
peu d'eau. Alors la mer attend à la marée haute ou plein mer (PM)
ou basse mer (BM). On dit alors qu’elle est à « l'étale » cette
renverse très lente donne l’impression qu’il ne se passe rien
sur la hauteur de l’eau. Quand c’est en vives eaux (ou lune
montante pour les jardiniers) les volumes d'eau à déplacer sont
alors plus importants, donc ça prend plus de temps et il n’y a
alors presque plus d’étale. Dans ce cas, la mer redémarre le
cycle inverse donc renverse sans attendre .»
- Mode opératoire :
Dans les zones à fort marnage, il faut
être vigilant quand les coefficients sont forts, même avec nos
petits bateaux au tirant d'eau très faible que nous pouvons toujours
porter à pied sec. En effet si l'eau était près du parking quand
nous avons embarqué à marée haute, il se peut bien qu’un désert
de sable ou de vase , ou un mur de galets .se présente entre nous
et le rivage quelques heures plus tard pour agrémenter notre retour
! Il est donc important d’être familiarisé avec les systèmes de
marée et de bien se souvenir que la variation de hauteur d'eau est
plus rapide à mi-marée.
Estimation de la hauteur d’eau par
apport à un horaire :
Entre marée haute et marée basse, il
se passe environ 6 heures.
Comme la variation de hauteur d’eau
n’est pas régulière, on diviser sa variation en 12 parts égales
au lieu de 6.
Première heure : 1/12 de la
hauteur
Deuxième heure : 2/12 de la
hauteur
Troisième heure : 3/12 de la
hauteur
Quatrième heure : 3/12 de la
hauteur
Cinquième heure : 2/12 de la
hauteur
Sixième heure : 1/12 de la
hauteur
Soient 1/12 +2/12+3/12+3/12+2/12+1/12=
12/12 !
Gérer la marée: Si la mer est entre autres sous
l'influence de la lune et du soleil, ce qui va vraiment nous
intéresser, c'est de savoir s'il y a de l'eau à l'endroit choisi et
son sens de circulation :
Concrètement, un exemple :
J'embarque aujourd'hui d'une cale, et il est maintenant pleine mer
plus 4 heures avec un marnage de 6 m (différence de hauteur entre
pleine et basse mer). Avant de m'éloigner, je mesure la profondeur
de l'eau au bout de la cale en trempant ma pagaie verticale dans
l'eau. Résultat : environ 1 mètre d'eau. Je sais que sur la 5è et
la 6è heure de marée, l'eau va descendre de 3/12 du marnage, soit
1,5m. Autrement dit, à marée basse, l'eau sera 50 cm en dessous de
la cale, c'est à dire relativement loin dans la vase !.. Beurk ! Pas
de panique, il suffira d'arriver 1 heure après la marée basse,
l'eau aura remonté d'1/12 de marnage, soit exactement les 50 cm dont
j'ai besoin. Voilà, je dispose de 2 heures de descendante plus 1
heure de montante pour me balader. Trop bien, surtout si la nuit ne
tombe pas avant ! Rassurons les lecteurs effrayés, au début on se
fie aux copains, et au bout d'un moment, on n'a même plus besoin de
faire le calcul, le célèbre pifomètre se charge de tout, avec
quelques sympathiques ratés pour animer les conversations à la
veillée.
Remarque :Vous avez compris que
si cette préparation n'est pas indispensable sur tous les
programmes, elle le sera en cas de navigation sur les zones à fort
marnage ou pour débarquer sur la rive des estuaires (pour éviter la
vase), ou encore dans des baies qui découvrent à marée basse ou
encore par rapport à des pointes rocheuses submersibles qui imposent
de longs détours à marée basse
Mode opératoire : Si vous n'êtes pas équipé d’un
annuaire du SCHOM pour les marées ou de l’almanach du marin
breton, vous en trouverez un au bureau de tabac du site de
navigation. Sinon c’est dans le journal du coin ou à la
capitainerie, car l’annuaire du pêcheur de moules de Pénéstin ne
convient pas à St Malo. Sur internet vous trouverez les marées
exactes pour pratiquement tous les embarquements, ce qui vous évitera
d’appliquer les correctifs par rapport à l’annuaire du port de
référence.
Variables:
L’annuaire de marée est précis, mais calculées à une pression
atmosphérique moyenne et évidemment sans tenir compte du vent. La
réalité observée sur place peut révéler quelques variations du
fait des nombreuses interactions entre les éléments vues
précédemment.
Le
vent peut influencer la marée en l’avançant ou en la retardant et
en modifiant les hauteurs d’eau.
Les
vagues et la houle se chargent de mouiller la côte beaucoup plus
haut que le niveau théorique de marée haute.
Dans
les estuaires, en fonction du débit du fleuve des différences
peuvent se faire sentir. Des compléments d’informations sont
disponibles à la capitainerie.